Pour ce troisième portrait, nous sommes ravis de vous présenter une de nos membres, Maha Kamal Gin, jeune diplômée âgée de 24 ans. Après une formation en langue et en motion design, Maha se spécialise dans le design de marque. Dans le cadre de son Master, elle effectue son alternance à Ubisoft. Elle y est aujourd’hui chargée de communication interne et s’est beaucoup penchée sur la question de la représentation des femmes dans les jeux vidéo.

 

 

INTRODUCTION

1) Quelles sont tes missions à Ubisoft ?

Je suis chargée de communication interne pour le service Éditorial. C’est le département qui aide les studios à produire des jeux qui respectent la vision de l’entreprise : des jeux à monde ouvert, immersif et une priorité mise sur le Game as a Service1. Je communique sur cette vision et j’aide le directeur créatif à partager ses messages et les documents réalisés par nos experts en les diffusant sur le réseau social interne (expertises, benchmarks, etc.). Je fais aussi de l’événementiel interne comme organiser des conférences pour notre service.

2) Qu’est-ce qui t’a donné envie de rester dans l’industrie du jeu vidéo ?

Mon premier stage à Ubisoft a été une révélation sur ce monde là. L’ambiance de l’entreprise est vraiment sympa, il y a énormément de choses que j’aimerai encore découvrir, et pour l’instant ça me passionne. Mais travailler dans le jeu vidéo en soi n’était pas un objectif. Je visais l’entertainment2 et tout ce qui peut faire rêver les gens en général. Le jeu vidéo est un de ces moyens là. C’est un milieu super riche, il y a tout le temps de nouvelles choses à apprendre, que ce soit dans la manière de concevoir les jeux ou sur le contenu.

 

LA REPRÉSENTATION DE LA FEMME DANS LES JEUX VIDÉO

1) Ton mémoire de fin d’étude traite de la représentation de la femme dans les jeux vidéo, peux-tu nous en dire plus ?

Je voulais aborder un sujet qui traite des femmes parce que ça me tient à cœur et que je suis les mouvements féministes depuis quelques années. Je voulais savoir où en était le milieu du jeu vidéo en général, quel était le tableau de cette représentation, qu’est ce qui se faisait et ne se faisait pas et quel rôle l’éditeur pouvait avoir sur le contenu.

Il faut savoir qu’il y a de grosses lacunes au niveau quantitatif et qualitatif. On a souvent des héros masculins très virils, et les archétypes féminins qui sont proposés véhiculent de nombreux clichés. Ce sont des personnages qui sont fait par des hommes et pour des hommes, donc des personnages aux mensurations surréalistes et qui ne représentent pas les femmes dans leur diversité.

2) Tu as réalisé de nombreuses études en interne. Quels ont été tes constats ?

Ensuite, je me suis demandée comment Ubisoft se positionne par rapport à ça. Je me suis alors rendue compte qu’il n’y avait pas de guidelines3 parlant de ce sujet. Et, sur Rainbow 6 à l’époque on était sur un quart de personnages féminins, ce qui n’est pas beaucoup.. Mais j’ai aussi analysé quelques bonnes pratiques. À Ubisoft, il y a des éléments plutôt positifs. Dans For Honor, par exemple, les personnages ont un masque et une armure. On n’est pas obligé de savoir si ce sont des femmes, ce qui est important c’est le gameplay. C’est pareil pour Overwatch de Blizzard. Ils ont une diversité de personnages qu’on n’a pas l’habitude de voir.

3) Selon toi, pourquoi les équipes ne créent pas plus de personnages féminins ?

Les équipes de production sont souvent déséquilibrées avec peu de femmes. Et même si elles sont présentes, il y a aussi une forme de paresse intellectuelle. On a toujours fait comme ça, ça marche pour notre cible alors pourquoi changer si ça fonctionne ?

Mais si on remonte à la source c’est aussi dû au rôle de l’éducation. Quand j’étais petite, personne ne m’a jamais dit : “si tu veux tu peux être programmeuse, ou tu peux être pompière”. Il y a des rapports de force qui se sont installés et qui commencent à changer. Ces changements ne se feront pas facilement, que ce soit en termes d’éducation mais aussi en termes de ressources humaines dans les entreprises. C’est un reflet de la société en général, mais on change les choses petit à petit et je ne suis pas défaitiste à ce sujet.

4) Comment peut-on améliorer les choses ?

Je suis d’accord avec la politique d’Ubisoft qui est de montrer dans les écoles que tout est possible pour les enfants peu importe le genre. Dans l’entreprise, on propose par exemple aux collaborateurs d’amener leurs enfants pour créer un jeu vidéo et montrer que “tu peux faire comme papa ou maman et créer un jeu de tes propres mains”. Des partenariats sont aussi fait avec des associations, mais ça reste un changement qui est lent.

Pour les pistes d’amélioration, dans mon mémoire j’ai proposé de créer un cahier des charges pour vérifier si les projets pouvaient intégrer plus de diversité et pour les aider à traiter du genre. On peut aussi proposer aux équipes de se remettre en question grâce aux playtests, et demander l’avis des femmes sur les personnages féminins proposés, sur la parité, et la manière dont elles le vivent, etc.

Il est important aussi d’ouvrir la discussion en interne. Je me suis rendue compte (même si c’est aussi dû à la confidentialité des projets) qu’on n’en discute jamais, il n’y a pas de cercle de parole autour de ce sujet.

 

TES PRATIQUES VIDÉOLUDIQUES

1) À quels types de jeux joues-tu habituellement ?

J’ai beaucoup joué aux Sims, à Fable 3, Mirror’s Edge sur Xbox, et à Pokémon sur 3DS.

Depuis que je suis à Ubisoft, mes deux gros jeux sont The Witcher III dont j’adore l’univers et Overwatch.

2) Un personnage féminin qui t’a particulièrement marqué ?

C’est Mei d’Overwatch. Son character design est mignon, et il y a aussi une part d’identification. J’ai des formes et il n’y a presque aucun personnage de jeu vidéo qui ont des formes à part elle, et elle les porte super bien. Ce n’est pas une composante de son gameplay, mais ça fonctionne bien.

3) Comment vois-tu l’industrie du jeu vidéo dans les 10 prochaines années ?

Je pense que ça va prendre énormément de place. Du point de vue d’Ubisoft on est dans l’inclusivité. On essaie vraiment de toucher un public qu’on ne touchait pas avant. Par exemple, avec le discovery mode4 d’Assassin’s Creed, peut être que ma mère va avoir envie de jouer à AC parce qu’elle sait qu’elle ne devra pas tuer des gens. On va de plus en plus avoir des joueurs de tous les âges et ça va aller vers du positif parce qu’on va diversifier les expériences.

4) Le mot de la fin ?

Soyez body positive et aimez vous, peu importe votre corps, votre taille, vos cicatrices, vous êtes beaux !

 


1 Game as a service : le jeu comme un service continue et qui propose de nouveaux contenus même après l’achat initial.

2 Entertainment : divertissement

3 Guidelines : directives

4 Discovery mode : mode découverte

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[Mois des Joueuses] Maha Kamal Gin, chargée de communication interne chez Ubisoft

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