Nous vous présentons Gwendolyn, qui est membre de Loisirs Numériques. Elle nous fait part autour de quelques questions de son expérience en tant que femme dans le JV.
Bonjour Gwendolyn, peux-tu te présenter rapidement ?
Moi c’est Gwendolyn Garan, et bien souvent on m’appelle par mon surnom “Noumenie”. J’ai 30ans et actuellement je suis Knowlegde Manager à DONTNOD Entertainment. Avant ça j’étais User Researcher Consultante (UR Consultante) et pendant des années encore avant j’étais 2D/UI Artiste. Mon travail actuel, c’est de l’ergonomie appliqué à la documentation d’une entreprise et à tous ses projets, alors qu’avant (UR Consultante) je faisais de l’ergonomie centrée autour de l’accessibilité des jeux vidéos et j’apportais du conseil et des solutions pour les joueurs·euses en situation de handicap. Et si je fait ça, c’est parce que dans mon ancien et premier artistique, je ne voyais pas comment ce que je produisais en bouton, interfaces, HUD allaient être compris par certaines personnes, dont celles en situation de handicap car moi même je n’y comprendrais rien.
Pourquoi as-tu décidé de travailler dans le jeu vidéo ?
J’ai choisi l’industrie du jeu vidéo car ado j’ai découvert des jeux qui proposaient une lecture engagée et critique de nos sociétés : l’un des premiers était Beyond Good & Evil où on incarne Jade, une journaliste qui doit se battre mais surtout infiltrer et prendre des photographies dans un univers assez dystopique où elle suspectait avec l’aide des membres de la résistance, le gouvernement d’un complot avec une race alien violente.
C’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup intéressé, de pouvoir raconter des histoires de façon interactive, impactante, et qu’au final le jeu vidéo puisse peut-être être même plus libre que le cinéma pour pouvoir aller dans des zones inconfortables et parler de choses graves. C’est quelque chose que je n’ai pas ou très peu su retrouver ailleurs en tout cas. J’en ai aussi fait un objet d’études, en m’intéressant à des jeux comme Her Story ou Hellblade justement pour leur composition, réflexion, en étudiant ce que le jeu et ses mécaniques avaient à offrir de critique.
Dans le milieu professionnel (ou associatif), quels sont les plus grands obstacles que tu as eus à surmonter ?
Dans le milieu associatif, comme dans le milieu professionnel, la plus grande difficulté est sur la représentation : on encourage et ne met en avant que celleux qui réussissent, que les copains-copines, que celleux qui font pas de vagues ou alors dans le sens de la majorité. C’est comme en politique à vrai dire. Ca, ça a été très vrai jusque 2017 environ, jusqu’au mouvement #Meetoo qui a aussi touché le jeu vidéo parce qu’enfin, le discours disruptif comme le mien (quoi que consistant dans le temps), sont devenu “trendy”. C’est comme ça que soudain, mon discours sur l’accessibilité, le handicap, la santé mentale et mes actions avec CapGame ont commencées à porter, que j’ai moi aussi avec pleins d’autres, rejoint le banc des “coolkids”. Pourtant, même si je reste critique, si je suis là à pouvoir prendre la parole, c’est aussi parce que personne d’autres ne l’a fait avant moi : en tant que personne en situation de handicaps invisibles, je n’ai aucun “rolemodel”, aucune personne qui parle de “ma cause”, personne qui me représentait. C’est par la force des choses et de mon discours que ça s’est fait, c’est de l’acharnement face aussi au sexisme ambiant, et autres mots en -ismes qu’on retrouve encore et toujours au sein du jeu vidéo.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes femmes qui n’osent pas se lancer ?
Il faut trouver de bonnes personnes, encourager la sororité et les minorités, et continuer. 🙂
En soi, “ma chance” de briller, elle s’est faite ainsi : j’avais beau faire bien les choses, il a fallu une rencontre impromptue lors d’un événement pour que Celia Hodent entende parler de mes travaux universitaires et me propose de faire une conférence pour en parler. Il faut donc savoir provoquer sa chance : passer par une asso comme WIG pour avoir la chance d’aller à des événements, passer par LN pour peut-être faire partie des boursiers du jeu vidéo, contacter Afrogameuse pour débuter du stream engagé, etc de possibilité.
Les associations sont nombreuses, les événements JV aussi, la partie la plus dure réside dans le fait de se lancer et faire un saut de foi comme dans Assassin’s Creed. Et qu’importe si on se vautre, qu’on fait des erreurs : c’est normal et c’est comme ça qu’on apprend et ce que j’appelle dans ma conférence pour Célia Hodent “The Sublime of Failure”. Sans ça, vous ne deviendrez pas une personne meilleure 🙂
N’hésitez donc jamais à contacter les personnes qui vous inspire, à communiquer sur ce que vous faites et souhaitez faire, à oser, à vous rassembler et à porter vos valeurs en étendards.
Merci ! 🙂