Les associations Loisirs Numériques et MO5.com  organisent depuis plusieurs années des débats autour du jeu vidéo. Pendant plus d’une heure, trois professionnels du jeu vidéo débattent autour d’un thème central. Pour cette vingtième rencontre, la question portait sur la violence dans le jeu vidéo. Pour y répondre, trois invités d’exception se sont penchés sur le problème.

Nos intervenants :

Grâce au partenariat avec l’AFJV , nous vous proposons la vidéo en intégralité sur notre chaîne Youtube. Puis les grandes lignes du débat, rapportées ci-dessous.


 

Dans un premier temps, les invités ont apporté une définition à la violence. Pour Thomas Gaon, c’est “ Quand son corps, son esprit sont dépassés et que cela crée un traumatisme, des séquelles.

 

Selon Vincent Berry : “ C’est très relatif car cette notion renvoie à la personne, elle est difficile à saisir. Dans le jeu vidéo, celle apparente à l’écran est la plus facilement épinglée alors qu’elle peut-être plus subtile et il faut avoir joué au jeu. Mais elle reste très relative, par exemple selon l’âge du joueur; d’où les normes pegi. “

Thomas expose la subtilité de la terminologie : ” Il y a confusion entre l’objet violent, qui blesse et un objet qui dispose de représentations dites violentes. “

Selon Jehanne Rousseau : ” Il suffit de lire Homère pour voir des cadavres, des batailles, etc. On a toujours représenté la violence. Le fait d’être “acteur” a sûrement créé un choc générationnel. Pour la nôtre et la prochaine, ça va de soi. Pour les anciennes générations, c’est moins compréhensible et la violence a plus d’impact. “

Vincent précise : “ La question est délicate car le jeu vidéo fait partie des éléments de socialisation. C’est l’idée de se construire une culture du jeu vidéo. Plusieurs enquêtes dénoncent la violence, mais on connait des enfants terrifiés par les Teletubbies. Donc ils n’ont pas la même perception, ils n’ont pas la grammaire de la violence. La problème reste le manque de cadrage et d’explications. D’où l’importance du dialogue. “

Thomas ajoute : “ Si vous jouez à un jeu qui vous fait du mal, vous allez arrêter. Le problème c’est de voir des images qu’ils ne peuvent pas digérer. Par exemple, voir des animaux souffrir les blesse et ils ont besoin d’être rassurés. Le trauma est une image qui reste avec des figures qui marquent et qui restent inexpliquées. Cela donne une répugnance ou une certaine forme de fascination.

 

Puis, les invités exposent des exemples de violence dans le jeu vidéo.

 

Jehanne précise pour son jeu, Mars, War of Logs : “ Rien n’est gratuit. La violence a toujours du sens. On cherche une réaction, par exemple avec le sentiment d’injustice. Mais c’est un langage, l’ennemi est ko et non mort. L’achever est une réelle décision car tuer n’est pas anodin. “

Vincent explique : “ J’aurai du mal à exprimer une expérience comme violente. Au mieux, j’aime ou je n’aime pas. La violence est liée à la culture mais aussi au genre. Exemple personnel, maintenant que j’ai un enfant, voir un enfant se faire kidnapper est violent. “

Thomas ajoute : “ Sur la question des corps, certains corps difformes peuvent me choquer. Par exemple, dans Silent Hill 2, les corps sont effrayants. Il n’y a pas de repère.”

Les monstres de Silent Hill 2

 

Alors, arrive la question des inspirations…

 

Selon Jehanne : “ La violence est vraiment présente dans tous les arts. Et les premiers jeux n’étaient pas si violents. On peut remonter très très loin, dans les récits humains, les épopées, les romans, le cinéma, la violence est partout. Donc évidemment, le jeu vidéo s’en est emparé. Parfois, pour le buzz ou une surenchère comme Mortal Kombat. Il y a un vocabulaire très spécifique. Dans le jeu vidéo, on meurt; dans les autres jeux, on perd ! “

Vincent revient sur l’émergence de la violence : “Il fallait écraser des pixels, donc jouer avec la mort. Il y a eu les mêmes controverses dans le cinéma et les comics qui ont été censurés.

De plus, la culture du jeu vidéo n’est pas si violente. Les leaders restent le Solitaire et Candy Crush. “

 

et de l’influence des médias.

 

Thomas explique : “ On est dans une société de plus en plus pacifiée. On ne meurt plus comme avant. On devient un homme par la guerre. Symboliquement, on reprend cet affrontement, mais pour jouer.

Le deuxième mouvement reste la tuerie scolaire. Comme ça n’a aucune logique, on cherche une raison. Et les médias accusent le jeu vidéo car un jeune de moins de 25 ans joue aux jeux vidéo. “

Jehanne ajoute : “ C’est aussi une bataille de médias. Il se trouve que le jeu vidéo est venu prendre du temps d’écran. C’est venu voler du temps d’antenne,  alors c’est un ennemi. “

 

Alors, effet catharsis ou violence gratuite ?

 

Pour Vincent : “ Les anthropologues se sont dits que les jeux permettent de se réguler et de régler des conflits. La théorie existe toujours mais… toutes les sociétés jouent et n’ont pas le même niveau de délinquance. Donc c’est relatif. “

Thomas poursuit : “ Il n’y a pas de preuve ni dans un sens, ni dans l’autre. Les personnes violentes recherchent des jeux violents. Donc nous voyons corrélation de ce qu’on est et ce qu’on recherche… mais pas de cause.

Or, si vous jouez à un jeu violent, ça génère de la violence. Et le jeu met temporairement en situation agressive. L’enfant reste chaud très longtemps puis se refroidit.

De plus, la présence de l’autre en ligne change les règles. Si on va trop loin, l’autre arrête de jouer. Il faut alors contrôler son agressivité. “

Jehanne : “ Il n’y a pas que les jeux violents qui créent de la violence. Dans le game design, on cherche la frustration. Et la frustration engendre l’agressivité. Sur internet, la violence n’est pas liée à Internet mais plutôt à la distance avec l’autre. “

 

Enfin, quelles solutions apporter ?

Jehanne explique : “ De nouvelles générations arrivent. On découvre des journalistes qui jouent, ou ont joué et qui invitent par exemple David Cage. Donc les regards vont changer.

La question des dispositifs est plus complexe. Que va devenir Pegi ? Il faut conserver les signalétiques mais faut-il aller vers l’interdiction ? Ça n’aurait aucun sens d’interdire. Mais il faut considérer l’importance du dialogue et du discours. Donc avoir des parents plus attentifs aux jeux de leurs enfants. “

Vincent rétorque : “ Je suis d’accord mais pas complètement. On arrive à un moment très intéressant. La génération 70’s est parent. Le jeu vidéo reste pris dans une boucle autonome. On trouve des jeux de plus en plus gores. Il y aura toujours cette culture entre pairs. Donc le mot d’ordre est la bienveillance. L’important est de se comprendre, d’être dans le dialogue. “

Thomas conclut : “ Quand un nouvel objet arrive, on a peur pour les jeunes. On se demande toujours ce que ça va provoquer. Le pegi est inefficace avec de nombreux jeux en ligne. Les adolescents font eux-mêmes leurs courses. Et on voit l’âge seulement au moment de l’achat. Pour un parent, c’est difficile de comprendre ce qu’il se passe, les non-joueurs sont refoulés. Et il reste une sous-culture marginale. Les parents sont inquiets pour plein d’autres choses que le jeu vidéo, ce n’est pas qu’une question de génération. C’est un luxe de s’inquiéter pour le jeu vidéo. “

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[Résumé] RVL #20 : jeu vidéo et violence visuelle, média victime ou média complice ?
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