A l’occasion du Mois des joueuses, nous vous présentons Mélanie Christin ! Son studio, Atelier 801, est notamment connu pour son travail sur Transformice.

 

Bonjour Mélanie ! Imagine le jeu vidéo comme une planète, comment tu la décrirais ?

Bonjour ! C’est très compliqué pour moi de décrire le monde du jeu vidéo comme une planète. On serait tenté de séparer les genres de jeux en continents, et les jeux en pays, mais pour moi c’est trop limité. Le jeu vidéo c’est d’abord des joueurs, c’est pour eux qu’on fait ça, c’est dans le but d’apporter le plus d’émotions/fun/distractions à des êtres humains. Et ces êtres humains, même s’ils ont des préférences bien sûr, on ne peut pas les ranger définitivement dans des cases. Il n’y a pas une population qui serait enfermée dans le pays “FPS” ou “Platformer”, il y a des joueurs qui migrent en permanence entre les types de jeu, qui butinent selon leurs envies. Du coup je préfère qualifier le monde du jeu vidéo d’immense prairie fleurie, et il y a autant d’espèces de fleurs que de types de jeux, et les joueurs butinent ces fleurs à leur gré.

Comment expliquerais-tu ton métier aux personnes qui ne jouent pas aux jeux vidéo ?

C’est également compliqué d’expliquer mon métier en particulier, parce que j’en couvre plusieurs. J’ai commencé en tant qu’artiste, et ça les gens le comprennent assez facilement, parce que je peux montrer visuellement ce que je fais et où cela va être utilisé. Aujourd’hui, j’agis un peu en tant que chef d’orchestre et architecte de mon petit studio de jeux vidéo, en collaboration avec mon associé : je construis les plans, je m’assure que chaque rouage fonctionne bien, je donne la vision d’ensemble. Et parfois (aussi souvent que possible parce que j’aime ça), je mets les mains dans le cambouis et je donne un coup de main là où c’est nécessaire : rédiger une news pour annoncer un événement, dessiner une petite icône pour une interface, relire un compte rendu de mise à jour… Mais mon rôle est donc très global et touche-à-tout, je préfère parler des métiers plus spécifiques que j’encadre quand je parle de ce que je fais à des néophytes.

Parle-nous de Transformice. Nous avons entendu dire qu’il était un joli succès en Amérique du Sud, comment expliques-tu sa renommée ?

Transformice est un jeu de plateformes massivement multijoueur sur navigateur. On y incarne une petite souris, qui doit sauter de plateforme en plateforme pour atteindre le fromage, et revenir au début du niveau pour rentrer dans le trou de souris. Tout cela avec 20 autres joueurs et un moteur physique, ce qui fait que souvent, tout le monde meurt en tombant dans un trou parce que les joueurs ne se sont pas coordonnés pour ne pas aller chercher le fromage en même temps. Le jeu a effectivement un franc succès en Amérique du Sud, qui représente près de la moitié de notre communauté à elle seule. Il existe plusieurs pistes pour expliquer cela, sans pour autant avoir de certitudes : on a traduit le jeu en portugais brésilien et en espagnol très tôt dans la vie du jeu, ce qui a beaucoup aidé à sa propagation là bas, mais surtout c’est un jeu sur navigateur qui ne demande que très peu de ressources. Le parc informatique de ces pays est limité, ainsi que leur connexion internet, et leur proposer un jeu massivement multijoueur en temps réel sur leurs petites configurations, ça a séduit beaucoup de monde. Les Brésiliens par exemple sont aussi extrêmement sociaux, ils parlent tout le temps, et le tchat intégré en jeu leur a beaucoup plu tout de suite. Encore aujourd’hui, dans les parties brésiliennes, le tchat défile à une vitesse ahurissante. Et enfin dernière raison, mais pas des moindres, le jeu est totalement gratuit. Pour des populations à faible pouvoir d’achat, pouvoir avoir un jeu 100% gratuit qui ne propose aucun pay-to-win (tous nos achats sont purement cosmétiques), c’est un gros argument.

As-tu quelques conseils pour une personne qui aimerait se lancer dans l’entrepreneuriat JV en France ?

Entourez-vous. Ne faites pas les choses dans votre coin, en pensant que vous avez absolument raison et que vous devez faire exactement ce que vous avez en tête. Quand on a créé notre studio, on a eu la chance d’intégrer une structure qui s’appelle la Ruche d’Entreprises, une sorte de pépinière gérée par la région Nord qui regroupe des dizaines d’entrepreneurs, avec des ressources mises en commun. Ca nous a énormément aidés à articuler notre projet, à nous structurer, à nous faire réfléchir plus loin que le lendemain. Il existe un principe en programmation informatique, le Rubber Duck debugging. En gros, ça consiste à raconter le bug que l’on n’arrive pas à corriger à un canard en plastique, et au fur et à mesure que l’on explique, on trouve la solution tout seul. Je pense que la même chose peut s’appliquer à l’entreprenariat, même si vous pensez que tel ou tel entrepreneur ne peut pas comprendre ce que vous vivez, en parlant constamment à d’autres entrepreneurs, vous allez comprendre des choses sur vous-même. C’est d’autant plus important dans le JV, car il y a 99% de chances qu’un autre entrepreneur dans le milieu ait déjà eu le problème qui se pose à vous à un instant T. Même si chaque jeu est différent, il y a beaucoup de problématiques communes, et vous gagnerez énormément de temps et d’énergie à discuter avec d’autres développeurs.

Un dernier mot ? Un message à faire passer ?

On a un privilège immense de pouvoir faire partie de cette industrie. D’être nés dans le bon pays, d’avoir eu une bonne éducation, les moyens d’apprendre à faire ce que l’on fait… Il faut en être conscient à chaque instant, et aider ceux qui n’ont pas eu autant de chances que nous.

 

Merci Mélanie ! Il ne reste plus que quelques jours avant la fin du Mois des joueuses : ne ratez pas les derniers portraits qui seront publiés dans les jours à venir.

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Portrait : Mélanie Christin, CEO d’Atelier 801